Cette page contient la première retranscription intégrale du script du film de René Viénet La dialectique peut-elle casser des briques ? Etant donné l'intérêt de ce film culte pour le militant quelque peu gauchisant et l'absence d'un travail analogue à celui qui a été accompli pour d'autres classiques du détournement, nous nous sommes résolus à rendre disponible pour la postérité ce document en accès libre comme l'est déjà depuis un certain temps le film lui-même.
La dialectique peut-elle casser des briques ? Bonne question. Mais le simple fait de la poser en ces termes dénote un aspect terriblement passéiste. En 1973, le gauchisme soixante-huitard tel qu’on le connaît est déjà à l’agonie : la période faste du capitalisme monopoliste d’État est à l’agonie, le chômage augmente dans des proportions inédites, l’aspect technocratique du gouvernement s’accentue, poussant les vieux cadres gaullistes vers la sortie. Les revendications libertaires et anticapitalistes de l’époque précédentes deviennent immédiatement désuètes. Les situationnistes, séides de Guy Debord, sont en perdition, tout comme les maoïstes de la Gauche prolétarienne ou les trotskystes de la Ligue communiste. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer La dialectique peut-elle casser des briques ?, « premier film entièrement détourné de l’histoire du cinéma ». Alliant principe relativement neuf, issu des postulats de la Société du spectacle de Guy Debord, à savoir porter l’accent sur la subversion des media de masse, et décalage avec le contexte historique, déjà défavorable à de telles initiatives, ce film marque de plus d’une manière la fin d’une époque, ce qui explique sans doute l’aigreur qui s’en dégage. On peut l’appréhender comme l’épitaphe de l’Internationale Situationniste, dissoute quelques mois avant sa publication. Pamphlet virulent et acide dirigé contre le bloc soviétique et ses alliés français, l’œuvre mêle références obscures et plaisanteries stupides, le tout professé avec un sérieux assez stupéfiant. Références datées, citations de Hegel, blagues pédophiles, répliques potaches, dialogues incongrus, ce film a pavé la voie à d’autres œuvres devenues cultes (La classe américaine, pour le dire vite), mais dont le contenu était déjà beaucoup moins fortement politisé. Comparé au très populaire film d'Hazanavicius, le détournement de Viénet ne peut apparaître que comme une œuvre d'une extrême érudition dont le contenu n'est accessible qu'aux révolutionnaires les plus acharnés.
Mais il faut se garder de considérer La dialectique comme un simple document historique à ranger dans les bibliothèques des organisations politiques locales ; la position politique qui s'exprime avec une certaine dose d'autodérision dans cette œuvre pourrait en effet être vue comme l'exemple de la gauche la plus extrême et la plus radicale qu'on pourrait s'imaginer. Les références à l'anarchisme y sont extrêmement nombreuses, et à un anarchisme très radical et très « pratique », celui des illégalistes et des sectateurs de la « propagande par le fait » tel Ravachol qui ont droit à une longue séquence d'hommages. Cette tendance pratique se confirme aussi par la forte indulgence globale à l'égard du maoïsme : en laissant de côté les anathèmes lancés à des journalistes critiques de la Révolution culturelle, le cadre même du film pourrait être vu comme une forme de révérence à l'égard de cette Chine qui a longtemps soulevé les espoirs des révolutionnaires déçus par le stalinisme. L'individualisme radical et hédoniste revendiqué par les « situs » et la critique constante des appareils bureaucratiques complètent le cadre de cette nouvelle gauche post-68, plus occupée à attaquer les organisations de gauche existantes qu'à travailler concrètement pour la révolution contre le vrai ennemi capitaliste (entendre « militant » comme une insulte pourrait en faire crisser plus d'un même de nos jours) et qui fait de la déconstruction méthodique de l'existant la condition suffisante pour faire émerger le mouvement révolutionnaire. Ainsi on ne peut que constater l'ironie du narrateur à la fin qui nous dit que l'on assiste là à un « aspect partiel de la lutte finale », alors que pendant 90 minutes on n'aura vu rien d'autre qu'une lutte entre gauches, comme si le reste n'avait point d'existence ou d'importance... Quoi qu'il en soit, que l'on adhère ou non à ses positions, l'opus garde finalement toute son actualité pour notre époque aussi bien que pour toute époque future où il y aura des militants de gauche (que l'on espère évidemment toujours nombreux) ; et même sans cela, ses répliques cultes suffisent à lui faire passer l'épreuve du temps.
Quelques mots enfin sur notre retranscription. En l'absence d'une liste de rôles officielle, nous désignons globalement chaque personnage le nom par lequel il est appelé dans le film là où c'était possible et nous avons dû opérer des choix pour le reste. On a décidé d'utiliser le mot « ouvrier » à la place de « prolétaire » qui aurait été le terme correct de façon à pouvoir employer le mot au féminin sur les quelques scènes où cela était nécessaire. Faute de mieux, on a gardé le mot pas vraiment terrible de « prolote » pour le principal personnage féminin afin de le distinguer des autres femmes prolétaires. Des notes de contextualisation entre parenthèses ont été ajoutées ci et là dans le but de rendre la lecture plus compréhensible même sans avoir vu le film. Enfin, le film contient un grand nombre de microréférences à des noms, des écrits ou des événements qui paraissaient peut-être évidents pour la culture militante de l'époque mais qui ne le sauraient plus être aujourd'hui fût-il pour les plus cultivés ; pour cette raison nous avons ajouté des liens vers des pages pouvant permettre d'identifier de quoi il s'agit, sauf pour des noms comme ceux de Marx ou de Bakounine qui n'ont pas besoin de présentation. Pour ceux dont l'érudition dépasse celle de l'entendement moyen, une version PDF téléchargeable du script est mise à disposition (lien juste en-dessous de la vidéo).
Antoine et Nebëhr
La dialectique peut-elle casser des briques ? Bonne question. Mais le simple fait de la poser en ces termes dénote un aspect terriblement passéiste. En 1973, le gauchisme soixante-huitard tel qu’on le connaît est déjà à l’agonie : la période faste du capitalisme monopoliste d’État est à l’agonie, le chômage augmente dans des proportions inédites, l’aspect technocratique du gouvernement s’accentue, poussant les vieux cadres gaullistes vers la sortie. Les revendications libertaires et anticapitalistes de l’époque précédentes deviennent immédiatement désuètes. Les situationnistes, séides de Guy Debord, sont en perdition, tout comme les maoïstes de la Gauche prolétarienne ou les trotskystes de la Ligue communiste. C’est dans ce contexte qu’il faut replacer La dialectique peut-elle casser des briques ?, « premier film entièrement détourné de l’histoire du cinéma ». Alliant principe relativement neuf, issu des postulats de la Société du spectacle de Guy Debord, à savoir porter l’accent sur la subversion des media de masse, et décalage avec le contexte historique, déjà défavorable à de telles initiatives, ce film marque de plus d’une manière la fin d’une époque, ce qui explique sans doute l’aigreur qui s’en dégage. On peut l’appréhender comme l’épitaphe de l’Internationale Situationniste, dissoute quelques mois avant sa publication. Pamphlet virulent et acide dirigé contre le bloc soviétique et ses alliés français, l’œuvre mêle références obscures et plaisanteries stupides, le tout professé avec un sérieux assez stupéfiant. Références datées, citations de Hegel, blagues pédophiles, répliques potaches, dialogues incongrus, ce film a pavé la voie à d’autres œuvres devenues cultes (La classe américaine, pour le dire vite), mais dont le contenu était déjà beaucoup moins fortement politisé. Comparé au très populaire film d'Hazanavicius, le détournement de Viénet ne peut apparaître que comme une œuvre d'une extrême érudition dont le contenu n'est accessible qu'aux révolutionnaires les plus acharnés.
Mais il faut se garder de considérer La dialectique comme un simple document historique à ranger dans les bibliothèques des organisations politiques locales ; la position politique qui s'exprime avec une certaine dose d'autodérision dans cette œuvre pourrait en effet être vue comme l'exemple de la gauche la plus extrême et la plus radicale qu'on pourrait s'imaginer. Les références à l'anarchisme y sont extrêmement nombreuses, et à un anarchisme très radical et très « pratique », celui des illégalistes et des sectateurs de la « propagande par le fait » tel Ravachol qui ont droit à une longue séquence d'hommages. Cette tendance pratique se confirme aussi par la forte indulgence globale à l'égard du maoïsme : en laissant de côté les anathèmes lancés à des journalistes critiques de la Révolution culturelle, le cadre même du film pourrait être vu comme une forme de révérence à l'égard de cette Chine qui a longtemps soulevé les espoirs des révolutionnaires déçus par le stalinisme. L'individualisme radical et hédoniste revendiqué par les « situs » et la critique constante des appareils bureaucratiques complètent le cadre de cette nouvelle gauche post-68, plus occupée à attaquer les organisations de gauche existantes qu'à travailler concrètement pour la révolution contre le vrai ennemi capitaliste (entendre « militant » comme une insulte pourrait en faire crisser plus d'un même de nos jours) et qui fait de la déconstruction méthodique de l'existant la condition suffisante pour faire émerger le mouvement révolutionnaire. Ainsi on ne peut que constater l'ironie du narrateur à la fin qui nous dit que l'on assiste là à un « aspect partiel de la lutte finale », alors que pendant 90 minutes on n'aura vu rien d'autre qu'une lutte entre gauches, comme si le reste n'avait point d'existence ou d'importance... Quoi qu'il en soit, que l'on adhère ou non à ses positions, l'opus garde finalement toute son actualité pour notre époque aussi bien que pour toute époque future où il y aura des militants de gauche (que l'on espère évidemment toujours nombreux) ; et même sans cela, ses répliques cultes suffisent à lui faire passer l'épreuve du temps.
Quelques mots enfin sur notre retranscription. En l'absence d'une liste de rôles officielle, nous désignons globalement chaque personnage le nom par lequel il est appelé dans le film là où c'était possible et nous avons dû opérer des choix pour le reste. On a décidé d'utiliser le mot « ouvrier » à la place de « prolétaire » qui aurait été le terme correct de façon à pouvoir employer le mot au féminin sur les quelques scènes où cela était nécessaire. Faute de mieux, on a gardé le mot pas vraiment terrible de « prolote » pour le principal personnage féminin afin de le distinguer des autres femmes prolétaires. Des notes de contextualisation entre parenthèses ont été ajoutées ci et là dans le but de rendre la lecture plus compréhensible même sans avoir vu le film. Enfin, le film contient un grand nombre de microréférences à des noms, des écrits ou des événements qui paraissaient peut-être évidents pour la culture militante de l'époque mais qui ne le sauraient plus être aujourd'hui fût-il pour les plus cultivés ; pour cette raison nous avons ajouté des liens vers des pages pouvant permettre d'identifier de quoi il s'agit, sauf pour des noms comme ceux de Marx ou de Bakounine qui n'ont pas besoin de présentation. Pour ceux dont l'érudition dépasse celle de l'entendement moyen, une version PDF téléchargeable du script est mise à disposition (lien juste en-dessous de la vidéo).
Antoine et Nebëhr
* * *
LA DIALECTIQUE PEUT-ELLE CASSER DES BRIQUES ?
(Retranscription par Antoine, Nebëhr et radtransf)
Voix off : Il a
l’air con, c’est vrai. Mais c’est pas de sa faute, c’est celle du producteur.
Il est aliéné, il le sait. Il n’a aucun contrôle sur l’emploi de sa vie. Bref,
c’est un prolétaire. Mais ça va changer. Et pas en votant pour le Programme commun ou en adhérant au PSU.
Voix off : La dialectique peut-elle casser des briques ? Version française de 1973 par l’Association pour
le développement des luttes de classes et la propagation du matérialisme dialectique.
Voix off : Par un
petit matin frisquet, dans un pays où l’idéologie est particulièrement froide…
(Bruits d’entraînement)
Maître ouvrier :
J’aimerais que vous vous souveniez que mon professeur de karaté est mort d’une
balle dans la tête. Oui. DANS LA TÊTE !
(Bruits d’entraînement)
Maître ouvrier : Sans
temps morts !
Gamin : Sans
entraves !
Maître ouvrier : Sans
entraves. Tu connais le mot de passe.
Gamin : Sans temps
morts.
(Bruits d’entraînement)
Ouvrier : Les bureaucrates arrivent !
Ouvriers : (Les
bureaucrates… Les bureaucrates…)
Voix off : Imbécile
portant un sac de pétitions. Porteur de pétitions justement piétiné par les
serviteurs de l’État.
(Les bureaucrates rient)
Voix off : Jeune
prolétaire vu à travers des bambous en premier plan.
Chef bureaucrate :
Oooh haha ! Oh, hé ! (Rires)
Alors, le travail, c’est la liberté, hein ? Hahaha !
(Les bureaucrates rient)
Dialecticien :
Les bureaucrates viennent de faire ça. Qu’est-ce que ça veut dire ? Tu ne
réponds pas, pourquoi ? Pourquoi, t’as peur ? Hé bien explique-moi.
Ouvrière : Ca, ça
veut dire qu’ils vont encore boire la sueur des prolétaires jusqu’à la lie et
envoyer nos enfants à l’école. Y’en a ras le bol de ces charognes. Les
bureaucrates commencent par nous exploiter, et ils finissent par nous aliéner. « Servir
le peuple », ils appellent ça.
Dialecticien : Hm.
Te fais pas de mouron, le film ne fait que commencer.
Ouvrière : Ils
m’ont fait des propositions, mais c’est toujours l’amélioration dans la misère
ou la misère qu’ils améliorent.
Gamine :
Camarade !
Ouvrier : Ni Dieu, ni César, ni tribun.
Gamine :
Écoute-moi, camarade ! Les bureaucrates ont choisi ta maison !
Ouvrier : Bien
sûr. Pour boire ma sueur.
Gamine : Et c’est
pas fini, il faut que tu ailles au chagrin, les exploiteurs, et il va encore
falloir que tu leur exhibe ta productivité.
Ouvrier :
Horreur !
Ouvriers :
Camarade !
Ouvrière : Tu en
es bien sûre ?
Gamine : Oui, tu
sais je commence à bien reconnaître un exploiteur d’un exploité. Depuis le
temps que ça dure, on sait comment ça se passe.
Ouvrier :
Alors, à quoi ça nous sert d’avoir lu Marx et Lautréamont ? Déjacque et
Cœurderoy ? Bakounine et Fourier ?
Maître ouvrier :
Notre tactique doit se fonder indissolublement sur la pratique de réalisation
individuelle.
Ouvrière :
Qu’est-ce que tu fais dans le coin ?
Dialecticien :
J’attends le matin du Grand soir. Mais surtout le Grand soir. Pour prendre du
plaisir à leur griller les poils sous les bras. Pour pendre les propriétaires
et couper les curés en deux, je vais aiguiser ma dialectique sur des situations
bandantes !
Ouvrière : As-tu
résolu la question de l’organisation ?
Dialecticien :
Après, les conseils ouvriers seront réalisés dans l’autogestion généralisée.
Ouvrière : Mais
alors, qu’est-ce qu’on peut faire avant ça ?
Dialecticien : Hé
bien, trouver quelque chose qui y ressemble. On ne combat pas l’aliénation par
des moyens aliénés. T’en fais pas, ça ira.
Gamine : Les
bureaucrates arrivent !
Ouvrier : Vite,
au travail !
Chef
bureaucrate : Ainsi, on exerce son matérialisme dialectique, et pourquoi
pas, sa subjectivité radicale…
Maître ouvrier : Ca
pourra toujours servir.
Chef
bureaucrate : Pas pour des grèves sauvages. Pas pour les occupations
d’usines, j’espère. Ni pour les incendies des services. (Rires) Ni pour le pillage des grandes surfaces. Le travail, voilà
votre seul rôle. Travail, famille, patrie, travail, famille, patrie. Ne sortez
pas de là. (Rires) Je ne veux plus entendre parler de lutte de
classe ! Sinon je vous envoie mes sociologues ! Et, s’il le faut, mes
psychiatres, mes urbanistes, mes architectes, mes Foucault, mes Lacan… Et si
cela ne vous suffit pas, je vous envoie même un structuraliste.
(Les bureaucrates rient)
Ouvrier :
Bureaucrate ! Y’en a marre ! Je vais quand même pas me crever au
chagrin toute ma vie !
Chef
bureaucrate : Mmmh ! Tu peux en toucher un mot à ton
syndicat-ha ! Ou bien lis le Nouvel Observateur ?
Ouvrier : Tu me
prends pas un peu pour un con ?
Chef
bureaucrate : Mmmh ! Tant que ça peut durer !
Gamin :
Camarade ! Camarade ! Camarade ! Lâchez-moi ! Laissez-moi
le soigner !
(Les bureaucrates rient)
Chef
bureaucrate : A propos, j’y pense : ce n’est pas la première fois que
ça arrive. On vous a déjà eu sans faire de prisonniers en Catalogne en ’37 (rires), et puis dans les rues de Budapest en ’56 (rires). A la
prochaine fois !
Ouvriers :
Bureaucrate ! On n’est pas des militants ! On ne se laissera plus
jamais faire ! L’arme de la critique !
Chef
bureaucrate : Oui je sais. Il n’est rien sans la critique… Par les armes.
A toi.
(Cris et bruits de combat)
Bureaucrate :
Aaahh !
Chef
bureaucrate : Tuez-le !
Bureaucrates :
Bien patron.
(Cris et bruits de combat)
Voix off : Et
voilà comment la subjectivité radicale peut devenir une force pratique.
Chef
bureaucrate : On vous écrasera ! Tuez-le ! Écrase-le !
Maître ouvrier :
Joli ! Allez on s’en va !
Ouvriers :
Non !
Maître ouvrier : Je
suis sûr qu’il a vu Themroc. Allez.
Ouvrier :
Themroc ? Ah oui, cette excellente production filmanthrope. Il devait être
à Kronstadt.
Maître ouvrier :
Contre Trotski, et certainement en Ukraine avec Makhno. Ou encore avec Pancho Villa au Mexique, et puis il a sans doute lu tous les Classiques de la subversion édités par Champ libre.
Ouvrier : Qu’on
peut chouraver dans toutes les bonnes librairies.
Maître ouvrier :
Et il a chanté Les flics tombent morts au coin des rues sur l’air de Il est cinq heures, Paris s’éveille.
Ouvrier : Les
salauds !
Maître ouvrier :
« Certains disent en parlant de révolution que… »
Ouvrier : Sornettes ! Sornettes trotskoïdes !
Ouvriers :
Oui c’est vrai !
Ouvrier : Et tout
ça c’est pour mieux nous entuber.
Maître ouvrier :
Voilà bien le point important. Camarades, que dites-vous de cette
sottise ? Et toi, camarade, dis-nous un peu ?
Prolote : Oui,
cette connerie a son origine dans le léninisme stupide et obtus de Trotski.
Mais ne soyons pas trop cruels pour le grand-père de la bureaucratie. C’est
tellement archaïque.
Maître ouvrier :
Oui, très archaïque. C’est pour quand l’éruption de la fin, la raison
dialectique tonne dans son cratère ?
Ouvrier 1 : Oui,
enfin, il est temps de pendre les propriétaires !
Ouvrier 2 : Sans
oublier de couper les curés en deux !
Maître ouvrier :
Ni de foutre toutes les églises par terre, comme préconisait le camarade Ravachol. Maintenant, c’est pas le tout, mais il faut gagner !
Ouvriers : Hourra !
Maître ouvrier :
Tout ça pour dire, camarades, que : « la Commune est pas
moooooooooorte ! »
Camarade secrétaire : L’idéologie
se renforce en s’atomisant. La théorie révolutionnaire se transforme. Il paraît
que leur dernière trouvaille est de détourner les mass media. Ces détournements m’inquiètent.
Chef bureaucrate :
Ca mon vieux, c’est le début de la fin. Ce qui m’inquiète le plus dans cette
pratique, c’est qu’ils sont bien capables de faire des copeaux avec notre
langage de bois, et même de la sciure de bois.
Camarade secrétaire :
Faut faire attention. Que faire ?
comme disait…
Chef bureaucrate :
Lénine.
Camarade secrétaire :
Oui, Lénine. On a beau être la classe dominante, on est souvent dans la merde.
Ta gueule. Tout dans la gueule. Plus on leur raconte des histoires, plus on les
habitue à notre gueule. Haha ! On a résolu pas mal de contradictions
propres au capitalisme d’État, mais pas celles qui risquent de nous balayer. (Rires) On a beau avoir notre gros cul
dans l’eau tiède, notre idéologie refroidit. Cours en parler à K.S. Karol, et à
ce con de Jean Daniel. Ces cons qui observent et ne voient rien !
Chef bureaucrate :
Ces cons. J’y vais tout de suite.
Camarade secrétaire :
Allez, à la sucette !
(Rires)
Ouvrier 1 : Ils ont
encore aliéné un prolétaire.
Ouvrier 2 :
RAAAAAH !
Dialecticien :
Encore un de perdu. Qu’est-ce que c’est ?
Ouvrier 1 : Il est
devenu responsable syndical.
Ouvrier 2 : Et il
a aussitôt réprimé une grève sauvage avant de s’acheter une télévision à crédit.
Prolote : Oh, que
c’est triste, quel salop. Si on leur grillait le poil sous les bras ?
Ouvrier 2 : Et si
on préparait à petit feu nos marmites pour la fête du Matin du Grand
soir ?
Gamin : Et puis
on se ferait la main sur les curés.
Ouvrier 3 :
Alerte ! Les bureaucrates arrivent dans nos quartiers !
Ouvrier 4 : Mort
à la charogne !
Ouvrier 3 :
Aaah !
Chef
bureaucrate : (Rires) Haaa !
Chef
bureaucrate : Pas de quartier, comme à Budapest. Mort aux prolos !
Bureaucrate : A
mort ! Vive Moscou, vive Staline !
Chef bureaucrate :
Crève salope !
(Cris et bruits de combat)
Chef
bureaucrate : Salut, prolo ! Héhé… J’ai une proposition qui ne
devrait pas te déplaire.
Dialecticien :
Garde tes mains pour pisser !
Chef
bureaucrate : Mais non, tu dois accepter : une promotion sociale. Les
filles et l’bon vin.
Gamin : Mon
copain ne sera jamais dans le clan des ordures.
Dialecticien :
D’acc’. On verra ça demain.
Chef
bureaucrate : C’est bien mieux comme ça. C’est bon d’être du bon
côté ! T’auras du fric. Les plus beaux petits garçons. Et de l’opium à
volonté.
Dialecticien : On
verra. Vous avez pas encore compris ?
Chef
bureaucrate : Haha !
Ouvrier :
Rentrons.
Dialecticien : Ce
n’est rien. Marchons un peu.
Gamin : Tiens.
Dialecticien :
Ecoute-moi ! Tu ne peux donc comprendre ?
Gamin : Non. Va
donc te faire guillocher l’oignon chez tes nouveaux amis. Espèce de saloperie.
Barrons-nous.
Maître ouvrier :
Et… Il t’a frappé ?
Ouvrier 1 : Ici,
ouais. J’ai encore mal.
Ouvrier 2 : On
voulait les crever. L’autre il nous a laissé en plan. Hé, les copains, un peu
de dialectique.
Maître ouvrier :
C’est la seule façon de casser des briques, camarades. Ne désespérons pas des
autres prolétaires. Et anéantissons à jamais ce qui peut un jour détruire notre
ouvrage.
Ouvrier 3 : Et
que faire de celui-là ? Demain il sera cadre syndical.
Ouvrier 2 : Il
faut radicaliser nos pratiques, les occupations d’usine.
Ouvrier 3 : C’est
pas mal, mais c’est mieux avec séquestrations.
Maître ouvrier :
Directeur et cadres dans les placards, d’accord. Mais tout ceci ne fait pas
avancer. Il nous faut des qualitatifs.
Ouvrier 3 : Et un
journal. Si on occupait un journal ?
Maître ouvrier :
Tu veux dire qu’on le sortirait nous-mêmes, pour faire connaître notre
force ?
Prolote : Uh…
Maître ouvrier :
Qu’as-tu à dire ?
Prolote : Il y a…
Il y a aussi la radio. Et la télévision et tous… Tous les centres de
communication. Comment peut-on les prendre ?
Ouvrier 3 : Ne le
dis pas ici. Soyons discrets, la rousse est dans la salle.
Maître ouvrier :
Organisons la révolte quotidienne afin qu’elle ne se perde pas.
Ouvrier 3 : (A la voisine) Allez, viens faire un
tour.
(La voisine secoue la tête)
Dialecticien :
Qu’est-ce qui va pas ? Tu me fais toujours bander. J’ai pas changé.
Dialecticien : Tu
sais, je peux pas t’oublier.
Dialecticien : (En chantant) Nuit de Chine, nuit
câline…
Dialecticien :
Hé !
Prolote :
Assieds-toi.
Prolote : Tu me
reconnais, mignon ?
Dialecticien : On
a du se voir rue Gay-Lussac. Ca sentait bon, la fleur nouvelle.
Prolote : Tu vas
aller chez les bureaucrates demain ?
Dialecticien :
Ouais.
Prolote : Tu fais
fausse route. Connais-tu la nature de classe du pouvoir ? De la
bureaucratie, toutes… Les contradictions du capitalisme ? Ne sous-estime
pas l’adversaire.
Dialecticien : Je
sais tout ça.
Prolote : Et tu
t’y mouilles ?
Dialecticien :
Ouais.
Prolote : Tu fais
leur jeu. L’entrisme a fait et fera leur jeu. Y’en a marre de l’idéologie
marchande. T’es comme les autres… Et nous on crève. On crèvera pas plus
longtemps.
Prolote : Tu
bandes encore ? Il me reste le vécu de l’amour.
Prolote :
Erection, contre le vieux monde qui m’ennuie.
Dialecticien :
Dans l’œil, tu t’mets l’doigt dans l’œil.
Prolote : Mets-le-moi
ailleurs ?
Dialecticien :
Pas aujourd’hui. Peut-être ce soir.
Prolote : T’es
plus un homme.
Dialecticien : Ca
va pas ?
Dialecticien :
Comprends-moi. Comprends-moi.
Prolote :
Ah !
Dialecticien :
Ecoute un peu. Ne joue pas la conne, t’as aucun pouvoir. Mais ça peut
s’améliorer. On va essayer d’agrandir les luttes de classe, d’arranger la paix
sociale, qu’il y ait plus d’injustice.
Prolote : Ils
nous donneront des miettes, nous voulons tout. Un peu plus de salaire, un peu
plus de misère. Qu’ils crèvent !
Dialecticien :
Mais sois patiente, je ne suis pas trotskiste. Ai-je l’air d’un salop ?
Des mauvaises opinions.
Prolote : Je te
crois. Je t’ai vu crever plus d’un curé. Mais on ne peut pas vaincre
l’aliénation par des moyens aliénés.
Gamin : Camarade,
à quoi penses-tu ?
Ouvrière : A Durruti.
Gamin : Et à
l’archevêque qu’il a abattu. Te tracasse pas, il en reste encore, et encore de
quoi se marrer.
Maître ouvrier :
Les gars, y’a un copain qui manque à l’appel.
Maître ouvrier :
Avez-vous vu le camarade Brecht ?
Chef
bureaucrate : Ah ! Bienvenu. Le camarade secrétaire t’attend dans le
local.
Dialecticien : Tu
me plais pas, larbin. Ils ont tous ton air de Péninou là dedans ? Ca doit
puer la Sorbonne des mauvais soirs.
Chef
bureaucrate : Entre, tu verras.
Bureaucrate : Hé,
qu’est-ce que tu glandes dans le coin, hein ? Tu veux une danse, petit
con ? Prends ça.
(Bruits de combat)
Chef
bureaucrate : Voici le camarade secrétaire. Notre timonier de secours,
notre bien-aimé dirigeant !
Dialecticien :
Bonjour camarade.
Camarade secrétaire :
Salut à toi, reine des salopes. Depuis le début de ce film détourné on me fait
dire des conneries… Mais moi aussi je pense que la bureaucratie en fait trop.
Dialecticien :
J’ai du mal à croire à ce gros mensonge.
Camarade
secrétaire : Pour une fois je suis honnête quand je parle. Et franchement
c’est pas du baratin.
Dialecticien :
Ha ! La Grande Marche est finie. On est pas à Yenan. Tu ferais bien
d’arrêter tes causées sur l’art et la littérature.
Camarade
secrétaire : Dialecticien, t’as trop lu, je vois qu’on t’la fait pas.
Dialecticien : A
aucun individu conscient tu peux la faire. Tu devrais le savoir.
Camarade
secrétaire : Oh, ça va. J’insisterai pas cette fois. Tôt ou tard tu
l’auras dans l’os, je te faisais une proposition honnête.
Chef
bureaucrate : Laissez-moi.
Bureaucrate 1 :
Bien patron.
Bureaucrate 2 : Bien
patron.
Bureaucrate 3 : Bien
patron.
Gamin : Est-ce
que tu vas te barrer pour une fois ?
Gamine : Pourquoi
est-ce que t’es méchant ? Sois pas comme ça, qu’est-ce que je t’ai fait à
la fin ?
Gamin : T’as
encore des illusions sur Castro, t’es une arriérée. Allez, fous-moi le camp.
Dialecticien : Il
faut reconnaître que c’est un peu idiot d’avoir encore toutes ces illusions.
Dialecticien :
Hé ! Te tracasse pas. Ca lui passera bientôt, va. Elle est castriste, mais
c’est parce qu’elle a pas encore lu Reich.
Chef bureaucrate :
Eh bien, eh bien. On aime aussi les petits garçons ?
Dialecticien :
Exact. Les prolétaires n’ont pas de complexes.
Chef
bureaucrate : Tu ne le sais peut-être pas, mais les bureaucrates ne sont
pas puritains non plus, en tout cas pas pour les gosses.
Gamin : Ha !
Dialecticien :
Les enfants ne sont pas des objets ! En tout cas, pas pour les prolos.
Chef
bureaucrate : (Rires)
Dialecticien :
Chien de bureaucrate, on vous crèvera tous, pourris, ordures, et plus vite que
tu ne le crois.
Chef
bureaucrate : Tu sais, à voir un mec comme toi vraiment ça me donne des
regrets.
Gamin : Dis-donc,
il est vraiment pas bandant cet oiseau. Il nous prend pour des cons.
Dialecticien :
Tous les mêmes. Ils croient pouvoir nous bourrer le mou, mais on est des
hommes.
Chef bureaucrate :
Tu me plais bien, mais je finirai par t’avoir tôt ou tard. (Rires) T’accepteras le jour où je te proposerai une place au
Bureau Politique.
(Bruits de combat)
Voix off : Pour
cette prise, consultez Enragés et situsdans le mouvement des occupations ; ça se trouve dans l’édition
Gallimard, pages 207 et 231.
(Bruits de combat)
Dialecticien :
Allez, range donc ton symbole phallique.
Chef
bureaucrate : HOUAAA !
Dialecticien : Tu
vas encore goûter un peu de mon qualitatif, asexué des bas-quartiers.
Chef
bureaucrate : Peuh !
Bureaucrate :
AAAH !
(Cris et bruits de combat)
Voix off : Sur ce
mur, un slogan vient d’être effacé : « Cours vite, camarade. Le vieux
monde est derrière toi. Y compris la Ligue communiste. »
Bureaucrate : Prenez
par l’autre rue !
(Bruits de combat)
Gamin : Un
prolétaire c’est quelqu’un qui est exploité et qui l’a compris. Le prolétariat
ne peut être lui-même le pouvoir qu’en devenant la classe de la conscience.
J’ai lu la lettre au Parti communiste polonais de Kuron et Modzelewski. Elle
confirme notre critique du mouvement. Evidemment c’est pas mal, mais ça suffit
pas.
Dialecticien :
Rien ne sert de pleurer. Les mauvais jours finiront, foutredieu.
Gamin : Hm.
Dialecticien : La
Commune, Nicolas. La Commune n’est pas morte.
Camarade
secrétaire : Et celle-là, bonhomme ? Tu connais pas celle-là ?
T’es pas aux cinq parfums.
Ouvrier :
Hm ! Ton coup des… Bouteilles cassées… C’est de la petite bière, salope.
Il serre un peu sur le crâne d’un individualiste qui en connaît d’autres.
Camarade
secrétaire : Héhé…
Ouvrier :
L’idéologie ne peut que voler en éclats au contact de la subjectivité radicale.
Camarade
secrétaire : Hahaha ! Si t’y arrives, tu seras contremaître.
Ouvrier : Pas
question. Je ne serai jamais un petit chef.
(Bruit de lame)
Ouvrier :
Aaah !
Camarade
secrétaire : Hahaha !
(Cris et bruits de combat)
Ouvrier 2 :
T’avais dit que t’utiliserai pas le tranchant !
Camarade
secrétaire : (Rires) Ducon. Faut
jamais croire à un bureaucrate.
Ouvrier 2 :
Misère ! Crever sans voir flamber l’hôtel de ville !
(Cris et bruits de combat)
Camarade
secrétaire : Faites gaffe ! Ne les laissez plus lire la réédition de
l’IS de chez van Gennep, ni La société du spectacle ni Le traité du savoir-vivre !
Bureaucrates :
Vive Léon !
Gamin : Fillette,
as-tu lu La philosophie dans le boudoir
du divin marquis Donatien Alphonse François de Sade, le camarade de la Section des Piques ?
Gamin : Hé
mignonne, c’est pas le pied ?
Prolote :
L’édition française est épuisée, épuisée depuis bien longtemps.
Gamin : Mais non,
Champ libre va la rééditer dans les Classiques de la subversion.
Prolote : Ta
petite camarade s’ennuie. Allez, allez, va la caresser.
Gamin : De tous
les côtés. Et pour l’huile de sésame, compte sur moi.
Prolote : Bonne bourre !
(Dans la chambre du prolétaire)
Prolote : Ils
parlent de lâcher contre nous…
Dialecticien :
Les mass media, je sais. On peut les
détourner à notre profit.
Prolote : Alors
il faut faire vite.
Dialecticien :
Oui.
(Cris et bruits de combat)
Bureaucrate :
T’attends (?)
Camarade
secrétaire : Tu pourrais t’inscrire au parti pour voir. On te jouerait du
luth… de classe et de la viole sans plaisir. Alors ?
Dialecticien :
T’as donc rien compris, léniniste à la mords-moi-le-nœud. On va vous foutre des
bambous dans le cul avec des fourmis rouges et on brûlera le tout sur la
nouvelle Place rouge.
Camarade
secrétaire : Tu crois ? Et mon armée ?
Dialecticien :
Parlons-en.
(Le camarade secrétaire rit)
Dialecticien : Ta
gueule !
(Le camarade secrétaire arrête de rire)
Dialecticien :
T’as donc rien lu ? Tes braves généraux seront fusillés par la troupe.
L’illusion de ton pouvoir n’est que le pouvoir de ton illusion. On t’fera la
peau, fais-moi confiance. Salut.
Camarade
secrétaire : Allez !
(Cris et bruits de combat)
Camarade
secrétaire : Héhé… Alors, qu’en dis-tu ? Mon pouvoir est une
illusion ?
(Bruits de combat)
Camarade
secrétaire : Coyotes ! Et
l’idéologie ?
Bureaucrate 1 :
Y’a pas –
Bureaucrate 2 :
De fumée –
Bureaucrate 3 :
Sans feu !
Gamin : Hé
dialecticien, tu viens pas voir les camarades ?
Dialecticien :
Petit gars, je voudrais que tu dises à tous les camarades : ce qui se perd
en contestation partielle rejoint la fonction répressive du vieux monde.
T’oublieras pas ? Il faudrait aussi une insurrection dans les pays
capitalistes. Tous les pouvoirs se renforcent.
Gamin : Il faut
donc détruire tous les pouvoirs. Ha ! Ca me rappelle la Première
Internationale.
Bureaucrate :
Maître, la manif a mal tourné.
Camarade secrétaire :
Toujours prêts à tuer du prolo ?
Bureaucrates :
Toujours prêts !
Gamin : Bonjour
la plus jolie. Ils t’ont laissée toute seule ?
Prolote : Ils
sont partis dynamiter quelque chose.
Gamin : Et toi,
tu restes là ?
Prolote : Y’avait
plus de cigares pour allumer les mèches.
Gamin : Les
charognes, ils nous font fumer de la merde.
Prolote :
T’inquiète, ça bouge. On leur en fera bouffer.
Gamin : Tu
pourrais être avec une copine ou à te masturber. T’es pas manchotte !
Gamin : Qu’est-ce
que ça veut dire, hein ? Ah oui, je sais : non falsifiée. Critique
radicale du geste, allumettes, poésie des écoles ! A bas les
masperisateurs, à bas les bureaucrates !
Gamin : Tu promets.
Chef
bureaucrate : Fouillez partout !
Bureaucrate :
Très bien.
Camarade
secrétaire : Héhéhé… Jolie fille ! Héhé haha… Mmmh… Héhéhé… Hmmm
mmmh… Hahaha…
Prolote :
Ha !
Camarade
secrétaire : Aaaaahhh !
(Bruits de combat)
Camarade
secrétaire : Tue-la !
Chef
bureaucrate : Tuez-la !
Camarade
secrétaire : Ramène-la.
Chef
bureaucrate : Aaaah aaaaah !
Camarade
secrétaire : Fais semblant !
Chef
bureaucrate : Aaaah !
Camarade
secrétaire : Il faut que tout le monde le sache, que les bureaucrates en
ont !
Camarade
secrétaire : Ca ne sera pas le cas… Un mensonge de plus ! Les
bureaucrates en ont autant que les autres.
Camarade
secrétaire : Ca commence. Ils me liquident mon Premier secrétaire, mais
c’est pas les postulants qui manquent.
Bureaucrate :
[Ils ont occu]pé une autre usine !
Camarade
secrétaire : Crevons-les !
Gamin : Les
bureaucrates sont dans la merde, camarade, et ils cherchent à garer leurs
tripes. Et Alain Bouc aussi.
Ouvrier : Il fera
pas son beurre avec de la pisse d’âne.
Maître ouvrier : Le
bon militant est le militant crevé.
Gamin : Ceux qui
ne font qu’exterminer les bureaucrates à moitié ne font que se creuser un
tombeau. A bas l’État !
Maître ouvrier :
A bas tous les États ! Vive la sociale !
Dialecticien :
T’as donné le mot de passe ?
Gamin : Comme à
Watts, et tout va flamber.
Dialecticien : A
force d’en parler le printemps va chauffer. Prêts pour la lutte finale et la
fin des aliénations !
Ouvrier 2 : Pour
venger Bonnot !
Dialecticien :
Allons-y !
Gamin : Dites-donc,
enfin venger Bonnot !
Voix off 2 : Et
voici en première exclusivité mondiale, grâce à la critique radicale, un des
aspects de la lutte finale. A ma droite, le prolétariat ; à ma gauche, sa
représentation. Ce matin à la pesée à l’Equipe : « Le prolétariat
avait le poids historique de sa lutte inachevée, sa représentation le poids
mort de l’idéologie ».
Lors des précédentes
rencontres, le prolétariat n’ayant pas toujours découvert à temps sa
représentation a perdu en Russie et en Allemagne entre autres, où l’on se
souvient de ces bons bougres de spartakistes. Il faut dire que les
falsificateurs ont chanté le socialisme sur tous les charniers et c’est la
pratique de la théorie révolutionnaire qui dénonce la représentation du
prolétariat, c’est-à-dire la bureaucratie, comme classe dominante de
substitution pour l’économie marchande.
Dans ce sens, il ne
s’agit que d’un aspect partiel de la lutte finale ; mais pour les pays qui
nous concernent, l’aspect réel et absolu des forces en présence. Le prolétariat
est international ou n’est pas.
Pour des raisons de
censure bien compréhensibles pour les amis de Charlie Hebdo, le prolétariat n’a
pas d’armes. Il va sans dire que dans la réalité il en sera autrement.
Au moment où je vous
parle on vient de me signaler divers affrontements dans d’autres pays dits «
socialistes » où le prolétariat est en train de noyer l’avant-dernier bureaucrate.
Celui-ci devant déclarer avant de mourir : « Mais c’est la bérézina !
» Je viens de dire l’avant-dernier, car à la fin que l’humanité soit heureuse,
les tripes du dernier bureaucrate sont réservées – hé oui, vous le savez bien
chers amis – pour pendre le dernier capitaliste.
A ce sujet, les
nouvelles de Paris, Rome, Tokyo, New York sont fabuleuses. Le vieux monde
serait renversé. A la lecture de ses dernières dépêches, il apparaîtrait que le
prolétariat se soit reconnu. Mais je m’emballe, je m’emballe : les
syndicats ont en effet enrayé provisoirement la victoire révolutionnaire. Il
faudra dorénavant compter sur eux pour défendre le vieux monde et ne pas
oublier le vieux dicton : « Ceux qui parlent de révolution et de lutte declasses sans se référer explicitement à la vie quotidienne, sans comprendre ce qu’il y a de subversif dans l’amour et de positif dans le refus descontraintes, ceux-là ont dans la bouche un cadavre ».
Voix off : Je
profite qu’ils soient tous au bistro à lever le coude pour placer une phrase
que j’avais oubliée : « Les jouissances permises peuvent-elles se comparer aux jouissances qui réunissent à des attraits bien plus piquants, ceux inappréciables de la rupture des freins sociaux et du renversement de toutes les lois ? »
(Cris et bruits de combat)
Voix off : Une
belle pratique. Pour un œil, toute la gueule.
(Cris et bruits de combat)
Voix off : Nous
ne donnerons pas de renseignement sur l’art de l’esquive et de la réplique
radicale. Tiens, un bureaucrate dans une situation banale. Les copains se
reconnaîtront.
(Cris et bruits de combat)
Voix off : Et
maintenant, comme un pépé qui roule n’avale pas de mousse…
(Cris et bruits de combat)
Voix off : …Mais
se farcit du bureaucrate à coups de boule.
(Bruits de combat)
Voix off : Et
maintenant, l’affrontement du beau Jules contre l’affreux jojo. Et là, pas de
suspense : tout le monde sait qui va l’emporter, sauf les cons bien sûr.
Le blanc contre le rouge : devinez qui va gagner.
Voix off : Dans
sa grande série A armes inégales, l’Oiseau de Minerve présente la
Dialectique contre le Pouvoir, réduit à quelques images parce que nous ne
sommes pas dans la rue.
(Cris et bruits de combat)
Voix off : Tiens,
l’idéologie suinte.
(Cris et bruits de combat)
Voix off : Hmm,
ça devient enfin sérieux. Quel beau gosse !
Camarade
secrétaire : Haaa !
Voix off : Trois
p’tits tours, mais l’idéologie est toujours là.
(Bruits de combat)
Voix off : Allez,
ça suffit maintenant, faut en finir avec cette charogne.
(Bruits de combat)
Camarade
secrétaire : Aaaahh !
Dialecticien :
J’en pince pour toi. Je t’ai dans la peau.
(Cris et bruits de combat)
Maître ouvrier :
Ah !
Gamin : Ca va
pépé ? Et les autres ?
Maître ouvrier :
Les autres, ils en ont marre de synchroniser, alors ils font les morts. Il
paraît que c’est dur et que ça paie pas le déplacement.
Gamin :
Peut-être. Mais les copains sont pas vraiment morts ?
Maître ouvrier :
Oh non. Non, j’te dis qu’ils font semblant.
Maître ouvrier :
Nestor, réponds-moi, t’es pas mort, dis !
Maître ouvrier :
C’était pas un sacrifice… Pour un de nôtres cent des leurs, foutredieu !
Dialecticien : On
a eu ceux-là, on aura les autres.
Maître ouvrier :
Quelle planète. Personne ne s’en souviendra, on y laissera notre peau. A régler
nos affaires nous-mêmes, de Moscou à Tokyo, de Paris à New York, il faudra bien
qu’elle saute cette foutue planète. Tous les exploiteurs y passeront, même les
réformistes. Mais ce sera pour un prochain film. Détourner un film ne suffit
plus. Comment vraiment utiliser le cinéma ? L’oiseau de Minerve nous
réserve des surprises à la tombée de la nuit.
Voix off : Cette
version détournée a été réalisée avec l’aide de : Raoul Curé, Jacques
Thébaut, Michelle Grellier, Dominique Morin, Daniel Galle, Patrick Dewaere,
Jean-Pierre Leroux, Yves-Marie Morin, Michel Bardelet, Michel Elias et
Dominique Page. Sous la direction de Gérard Cohen.
FIN
FIN
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